Environnement

Etude radiologique des sables de la plage de Trébézy (Saint-Nazaire)

13/10/2025

En avril 2022, un citoyen a détecté la présence d’une « anomalie » ou « singularité » radiologique sur des sables de couleur sombre à l’est de la plage de Trébézy, plage située sur la commune de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique. Des prélèvements de sables ont alors été réalisés par l’association Vert Pays Blanc et Noir (VPBN) et analysés dans les laboratoires de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD). Les résultats ont été rendus publics dans un rapport de la CRIIRAD de juin 2022 (Note CRIIRAD n°22-18). Cette note a été complétée en novembre 2022 par la CRIIRAD avec d’autres résultats de mesure.

L’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) a conduit une étude spécifique pour caractériser cette singularité radiologique afin de comprendre son origine et d’évaluer les expositions potentielles qui en résulteraient pour les usagers des plages.

Quelle est la nature de cette singularité radiologique ?

Détecteur de photons gamma monté sur trépied

Détecteur de photons gamma monté sur trépied

La première caractérisation par l’IRSN (devenu ASNR en 2025) de cette singularité a été réalisée en mai 2023. Elle se manifeste par une augmentation très localisée du rayonnement ambiant lorsque l’on se trouve au-dessus de petites étendues de sable de couleur plus foncée (lie-de-vin) que celle du reste de la plage.

Cette augmentation est significative puisque le rayonnement mesuré est au maximum de 2 µSv/h, ce qui correspond à près de 20 fois la valeur du bruit de fond radiologique régional, autour de 0,1 µSv/h.

Les analyses effectuées sur ces sables montrent des teneurs élevées en uranium et en thorium, deux éléments radioactifs naturels qui, en se désintégrant, produisent d’autres atomes radioactifs naturels à l’origine de l’augmentation locale du rayonnement.

Cartographie du débit d’équivalent de dose mesuré à 1 mètre sur sol
Cartographie du débit d’équivalent de dose mesuré à 1 mètre sur sol

Existe-t-il une similitude avec les singularités radiologiques des sables de Camargue, observées localement et étudiées dans les années 2000 par l’IRSN ?

En effet, la singularité radiologique constatée sur la plage de Trébézy à Saint-Nazaire rappelle celle des sables de Camargue. Notamment, les teneurs en uranium et en thorium des sables et l’intensité du rayonnement qu’ils émettent sont du même ordre de grandeur. Un rapport de l’IRSN publié en novembre 2007, disponible sur son site internet, regroupe les résultats de l’ensemble des études réalisées sur le littoral de Camargue depuis l'année 2000 par l’Institut.

Expertises environnementales liées à des phénomènes naturels

La présence de ces minéraux sur la plage de Trébézy est-elle dangereuse pour le public ?

La présence de ces sables est susceptible d’exposer les personnes fréquentant la plage de trois manières. Il y a tout d’abord l’exposition au rayonnement émis par ces sables (qui a d’ailleurs permis de déceler la singularité). On peut aussi envisager qu’une fraction fine de ces sables puisse être remise en suspension et inhalée ou que de très petites quantités puissent être ingérées involontairement. Les évaluations faites par l’ASNR montrent que ces deux dernières voies d’exposition sont faibles, voire négligeables, au regard de l’exposition externe au rayonnement. La somme de ces expositions est évaluée autour de 0,04 mSv/an pour une fréquentation moyenne de l’ensemble de la plage et reste inférieure à 1 mSv/an pour une estimation majorante impliquant une personne qui séjournerait plus de 500 heures/an exclusivement sur les petites étendues où l’intensité du rayonnement est maximale.

Ces expositions, y compris les plus élevées estimées, sont du même ordre de grandeur que celles qu’occasionne la radioactivité naturellement présente dans l’environnement français. En conséquence, il n’est pas nécessaire de recommander des mesures de protection de la population qui fréquente la plage de Trébézy à Saint-Nazaire.

D’où provient cette singularité radiologique ?

L’érosion de la falaise littorale apparait comme la source la plus probable de la singularité radiologique détectée sur la plage de Trébézy.

Les analyses (identification des minéraux contenus dans les sables prélevés, caractérisation de la taille et de la densité des grains, quantification de la teneur en radionucléides, composition élémentaire en terres rares) ont en effet permis de caractériser la nature des grains de sable concentrant la radioactivité et ont montré que cette singularité est due à l’accumulation de minéraux denses riches en thorium et en uranium. Il s’agit principalement de monazites (phosphates de terres rares et de thorium) et de zircons (silicates de zirconium contenant de l’uranium), typiques du contexte géologique local, à savoir granitique et métamorphique du Massif Sud-Armoricain. Les sables les plus radioactifs prélevés dans le secteur de la plage de Trébézy contiennent jusqu’à 5 % en masse de monazites. Ces minéraux ont été observés dans les roches (migmatites) à l’affleurement et surplombant la plage de Trébézy et ses environs. Leur présence dans le sable peut donc s’expliquer par l’érosion progressive de la falaise littorale et leur accumulation dans des zones localisées de la plage par un tri hydraulique des grains qui concentre les minéraux les plus denses.

Par ailleurs, la caractérisation minéralogique des sables prélevés a montré que leur coloration lie-de-vin est liée à la présence d’autres minéraux denses peu radioactifs (grenats et ilménites), également observés dans les roches environnantes.

Pourquoi l’ASNR a-t-elle associé le public à cette étude ?

Parce que la découverte d’une singularité radiologique suscite légitimement des préoccupations, a fortiori en un lieu comme une plage. L’étude visait donc aussi à répondre aux questionnements de la population et aux usagers de la plage. C’est pourquoi l’ASNR a développé cette étude en s’appuyant, en complément des dispositifs techniques de mesures qu’elle a mis en place, sur les connaissances locales concernant notamment la présence de sables concentrant la radioactivité en d’autres lieux du littoral, sur leur observation historique ou récente (une plage en érosion est susceptible de dévoiler des dépôts plus anciens et expliquer pourquoi on observe aujourd’hui quelque chose qui ne correspond pas pour autant à un dépôt nouveau), sur les usages de la (ou des) plage(s) concernée(s), etc. Un dispositif de recueil de questions ou d’observations a été mis en œuvre sous forme de carte de visite munie d’un QR code et distribuée aux usagers de la plage au cours des missions de caractérisation et de prélèvement réalisées par l’ASNR. Les personnes inscrites ont été informées des missions ultérieures, de leurs objectifs et des moyens mis en œuvre et finalement des résultats de l’étude. Le dialogue avec les acteurs locaux (préfecture, ville de Saint-Nazaire, association VPBN, CRIIRAD) a permis un large partage des résultats.

Pour en savoir plus

C’est quoi le sievert ?

Le sievert (Sv) est l’unité de dose servant à quantifier l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants. Cette dose de rayonnement résulte de l’exposition au rayonnement ambiant, qui se mesure avec des instruments spécifiques (dosimètres) et de l’incorporation d’éléments radioactifs par ingestion et par inhalation. L’exposition moyenne de la population française aux rayonnements ionisants est de 4,5 millisieverts (mSv) par an, dont 2,9 mSv d’origine naturelle et 1,6 mSv d’origine artificielle (essentiellement liée aux examens de diagnostics médicaux de type radiographies ou scanners). Notre exposition varie en fonction des habitudes de vie, du lieu d’habitation et de la fréquence de ces examens médicaux.

Pour en savoir plus sur les unités de mesures

C’est quoi le « bruit de fond » radiologique ?

Le bruit de fond radiologique environnemental est constitué des différentes sources de rayonnement auxquels nous sommes tous soumis en dehors des influences locales liées à des activités humaines (influence des sites nucléaires, des rejets hospitaliers, etc.). Il résulte d’une part de sources naturelles (rayonnement cosmique provenant de l’espace, rayonnement tellurique émis par les radionucléides naturellement présents dans le sol et le sous-sol, radionucléides naturels présents dans l’air et les denrées alimentaires) et d’autre part de la rémanence d’apports anciens de radionucléides artificiels qui ont concerné l’ensemble du territoire ; il s’agit notamment des retombées des essais atmosphériques d’armes nucléaires et des retombées de l’accident de Tchernobyl. Ce bruit de fond contribue aux expositions radiologiques auxquelles est soumise la population

L’IRSN dresse le bilan de l’exposition de la population française aux rayonnements ionisants

 

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